Stratégies éditoriales, stratégies marketing : Fides et les journaux (par Camélia Paquette)

21 mai 2019

Les Éditions Fides se distinguent dans l’histoire éditoriale du Québec par l’articulation heureuse entre une visée commerciale et une vocation religieuse. La publicité dans les journaux illustre les différentes stratégies marketing qu’elles ont adoptées au cours du temps.

La revue Mes Fiches, destinées à l’étude cléricale et à l’orientation des lectures, est à l’origine de la fondation des Éditions Fides. Le mensuel prenant de l’expansion, les Éditions Fides encouragent l’achat d’accessoires connexes pour organiser les différents fascicules, notamment une boîte de rangement, des chemises de classement, des cahiers à anneaux et un index. De cette manière, tandis qu’elles augmentent leur profit, l’étudiant, actif, participe à l’organisation de ses lectures.

Les Éditions Fides s’adaptent aussi au contexte socio-historique dans une attitude qui peut presque être qualifié d’opportunisme. Lors de la Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle le Québec a connu un important essor éditorial, elles se servent du conflit pour promouvoir la vente de missels dans les journaux. Tandis que la première annonce de mars 1943 cible les familles des militaires pour les inciter à offrir « le missel le plus pratique », la seconde les encourage à donner aux soldats un tract écrit par un aumônier pour les « éclairer et leur rendr[e] service ». Les Édition Fides utilisent ainsi l’éloignement entre les hommes et leur famille et le sentiment d’impuissance de celle-ci pour promouvoir l’achat d’ouvrages catholiques.

À la fin des années 40, comme le montre la publicité suivante, les Éditions Fides mettent en place un club de lecture. Chaque mois, l’abonné reçoit deux livres à prix réduit sélectionnés par la maison d’édition. Cette stratégie permet de promouvoir la lecture et d’écouler les surplus de marchandises.

Le « baby-boom » et l’importance que prend l’éducation au Québec ouvrent aux éditeurs les portes du marché scolaire et de la littéraire jeunesse. Les Éditions Fides créent dans les années 50 les revues pédagogiques L’élève et Le maître, la première destinée aux étudiants et la seconde à l’enseignant. Avec la mention « Gratis! Gratis! », la publicité s’adresse aux professeurs et les encourage à essayer cet outil d’enseignement adapté au nouveau programme scolaire. La revue Hérauts, un succès dérivé du comic book américain avec une réorientation catholique, est aussi largement présente dans les promotions journalistiques de Fides. La maison d’édition attire l’œil des jeunes, sa clientèle visée, avec des publicités imagées et dynamiques et une interpellation faite directement à l’enfant (« Pour les Fêtes, demandez en cadeaux à vos parents les albums Hérauts »). Fides utilise ainsi les occasions festives, dans ce cas-ci Noël, pour proposer ses ouvrages.

Les Éditions Fides, au-delà de leur vocation de promotion de la lecture et de la religion catholique, mettent en place de véritables stratégies marketing pour diffuser largement leur produit et, surtout, augmenter leur chiffre d’affaires. Les publicités dans les journaux, conservées dans le fonds d’archives des Éditions Fides de l’Université de Sherbrooke, attestent de ces pratiques qui ont contribué à faire de Fides l’une des maisons d’édition québécoises les plus importantes du xxe siècle.

Source : Jacques Michon. Fides. La grande aventure éditoriale du père Paul-Aimé Martin. Québec, Fides, 1998, 387 p.