Les Éditions Parti pris

En 1976, les Éditions de l’Hexagone s’associent aux Éditions Parti pris pour leur éviter la faillite, ce qui explique pourquoi une partie des archives de cet éditeur se retrouve incluse dans le Fonds des Éditions de l’Hexagone. Les Éditions Parti pris sont fondées en 1964, un an après la création de la revue du même nom, revue culturelle et politique de gauche qui fait la promotion d’un Québec souverain, socialiste et laïque. La maison d’édition prolongera ce programme en publiant des textes de tous les genres (essais, romans et poésie), fortement marqués d’une idéologie anticolonialiste. La maison fermera ses portes en 1984 : elle aura en vingt ans fait paraître des œuvres marquantes, dont L’Afficheur hurle (1964), de Paul Chamberland, Le Cassé (1964), de Jacques Renaud et Nègres blancs d’Amérique (1969), de Pierre Vallières.

Les écrivains « joual » 62, André Major, Gérald Godin, Claude Jasmin, Jacques Renaud, Laurent Girouard, Paul Chamberland, [1963?].
Les écrivains « joual » 62, André Major, Gérald Godin, Claude Jasmin, Jacques Renaud, Laurent Girouard, Paul Chamberland, [1963?]. Photographe : Jean-Pierre Beaudin. (Photo parue dans : Normand Cloutier, « Le scandale du joual », Maclean’s Magazine, février 1966, p. 10-11.) (P37/C1)

À la façon de manifestes, les photographies liées à la fondation d’une maison d’édition agissent souvent comme des déclarations d’intentions. Créée en 1963, la revue Parti pris, tribune de gauche qui joue un rôle majeur dans « la querelle du joual », donne naissance un an plus tard à la maison d’édition du même nom. La présence iconographique du cheval prend ici tout son sens. Au début des années 1960, la presse québécoise est en effet polarisée par un important débat. Dans quelle langue doit écrire l’écrivain québécois, qui prend alors pleinement conscience de l’écart entre le vernaculaire parlé par le peuple, « le joual », truffé d’anglicismes et de déformations orales, et la norme française? Pour les écrivains de Parti pris, le joual est le symbole de l’aliénation même du Québécois : il s’agira dès lors, selon la formule de Paul Chamberland (poète associé à Parti pris), de choisir de mal écrire, pour penser le mal de vivre.




États financiers des Éditions Parti pris
États financiers des Éditions Parti pris, « Dépenses par poste », 1970. (P37/A2/1)



Ce qui frappe à la lecture du livre de comptes de Parti pris, c’est bien l’absence de moyens avec laquelle les petits éditeurs doivent parfois composer. Ici, les sommes nécessaires pour le loyer et le téléphone ont été avancées par Godin lui-même. Ces conditions matérielles peu reluisantes n’ont pourtant pas empêché la maison d’édition Parti pris de publier certains des textes les plus marquants de la littérature québécoise des années 1960 et 1970…




Facture de l’Imprimerie Yamaska aux Éditions Parti pris pour l’impression du recueil de poèmes Les Cantouques de Gérald Godin
Facture de l’Imprimerie Yamaska aux Éditions Parti pris pour l’impression du recueil de poèmes Les Cantouques de Gérald Godin, 21 décembre 1966, accompagnée d’une note de Gérald Godin du calcul des coûts des différents tirages de l’œuvre, 17 juin 1966. (P37/A2/35).



Le recueil de poèmes de Gérald Godin intitulé Les Cantouques : poèmes en langue verte, populaire et quelquefois française, publié aux Éditions Parti pris en 1966, participe de l’affirmation identitaire qui marque les années soixante et soixante-dix au Québec, autour de la querelle du joual. Ainsi que l’explique Godin dans un article de Parti pris en mars 1965 : « Ce n’est pas le bon français qu’il faut défendre et pour lequel il faut combattre, c’est l’homme canadien-français à qui on doit rendre sa dignité, sa fierté et sa liberté d’être ». Né à Trois-Rivières en 1938 et décédé à Montréal en 1994, Gérald Godin fait des études classiques au Séminaire Saint-Joseph puis devient journaliste à la fin des années 1950 (notamment au Nouvelliste, au Nouveau Journal, au MacLean’s Magazine). Il dirige les Éditions Parti Pris de 1965 à l’été 1977, moment où il doit se consacrer à son rôle de député, pour le Parti Québécois, du comté de Mercier (Montréal).