Avec ses 40 mètres linéaires de documents iconographiques et textuels couvrant plus d’un demi-siècle d’histoire, le Fonds des Éditions Fides s’avère immensément riche. Exceptionnel, il l’est par son ampleur, mais aussi grâce à l’exhaustivité des pièces d’archives qui témoignent des moindres activités de la maison d’édition. Cette volonté de « documenter », dès les débuts en 1937, l’histoire de la maison, est certes reliée à la formation de son fondateur, le Père Paul‑Aimé Martin, diplômé en bibliothéconomie et en bibliographie. Les quelques pièces ici exposées mettent en valeur le travail d’un éditeur qui a marqué l’histoire littéraire du Québec au XXe siècle, en clamant haut et fort la valeur de la littérature québécoise à une époque où il était encore de mise d’en questionner l’existence même.
L’aventure éditoriale du Père Paul-Aimé Martin commence en 1936, au moment où il entre au Scolasticat de Sainte-Croix. Afin de partager leurs lectures, les jeunes pensionnaires rédigent des fiches qu’ils polycopient et distribuent à leurs collègues. L’idée de faire profiter de cette ressource à une plus grande collectivité germe dans l’esprit du futur éditeur qui, avec l’appui de ses supérieurs, fonde la revue Mes fiches, dont le premier numéro paraît en mars 1937. Le succès est instantané : après quelques mois seulement, la revue atteint 10 000 lecteurs. Bientôt, ce projet inspiré de l’humanisme intégral sera suivi d’un autre, de plus grande ampleur : être un agent actif de l’avancement des connaissances dans tous les domaines touchant à l’être humain, au moyen de l’édition. C’est en 1941 que les Éditions Fides sont fondées, avec l’appui de la Congrégation des Pères de Sainte-Croix.
Sous la bannière de l’humanisme intégral développé par Jacques Maritain, Fides profite du boom éditorial occasionné au Québec par la guerre, pour diffuser largement sa production. En 1950, Fides inaugure officiellement une succursale à Paris. Cette volonté de diffuser le livre à l’échelle internationale incarne une importante prise de position dans l’exercice de la fonction éditoriale. Bien avant la création de la Librairie du Québec à Paris, Fides cherche non seulement à diffuser le livre québécois en France, mais l’éditeur entend bien exploiter, sur son propre territoire, tout le capital symbolique lié au fait d’avoir pignon sur rue d’abord dans de vastes locaux du Boulevard Raspail, puis, plus modestement, sur la rue Félibien. La succursale parisienne sera maintenue jusqu’en 1968, alors que des raisons financières entraînent sa fermeture.
Éditeur généraliste, Fides souhaite dès ses débuts incarner un moteur de développement pour la littérature québécoise. De fait, tout au long de sa carrière, le Père Martin mettra en va-leur, sur de multiples tribunes, la qualité de la littérature québécoise et insistera constamment sur l’importance, pour le public québécois, de l’encourager. En 1944, Fides lance d’ailleurs une des collections qui constituera le socle de son prestige : la «Collection du Nénuphar», dédiée aux «classiques canadiens» : elle comprendra notamment les œuvres d’Émile Nelligan, de Félix-Antoine Savard, d’Alfred DesRochers. Les tirages globaux de la «Collection du Nénuphar», établis par Jacques Michon, démontrent l’importance de cette collection patrimoniale : de 1944 à 1979, les différents titres de la collection ont connu 173 éditions ou rééditions, totalisant près de 423 000 volumes imprimés.
Les archives de Fides démontrent également l’importance de cette maison dans d’autres domaines que la littérature. Les livres et tracts religieux y occupent une place de choix, de même que la littérature jeunesse. À cette époque où il im-porte de lutter contre l’influence jugée néfaste des comics books américains, Fides développe plusieurs séries de volumes conformes aux valeurs chrétiennes et patriotiques, et ce, pour toutes les tranches d’âge. La série «Alfred», par exemple, s’adresse à des jeunes de 10 à 12 ans et innove en présentant les aventures (édifiantes, évidemment) de jeunes héros auxquels le public peut facilement s’identifier.