Entrevue avec Elsa Pallot (Cheyne)

L’entrevue suivante a été réalisée par Amandine Glévarec et est également disponible sur son blogue http://kroniques.com.

Amandine Glévarec ‒ Elsa Pallot, peut-on revenir, pour commencer, sur l’historique de la maison d’édition Cheyne ?

Elsa Pallot ‒ La maison Cheyne a été créée en 1980 par un couple de Parisiens, Jean-François Manier et Martine Mellinette, qui revenaient d’un tour du monde. Quand ils sont rentrés en France, ils ont eu envie de faire de l’édition de poésie, mais ils n’y connaissaient rien et n’avaient pas d’énormes moyens. Leur idée était de monter une imprimerie typographique, au plomb, alors ils sont allés se former chez Rougerie pendant quelques mois, puis ils ont cherché un endroit en province pour installer leur atelier et leur maison d’édition. Il se trouve que le plateau Vivarais-Lignon, situé à la frontière entre la Haute-Loire et l’Ardèche, à 1000 m d’altitude, leur plaisait bien. Ils ont donc contacté les différentes mairies du secteur pour savoir s’il existait un endroit où ils pourraient s’établir. Au Chambon-sur-Lignon, le maire leur a parlé d’une ancienne école, située dans un hameau qui s’appelle Cheyne, et la leur a fait visiter. Ils ont craqué. Cette bâtisse est implantée dans un endroit perdu, à l’extérieur du village, il faut traverser une cour de ferme pour y accéder. Ils se sont donc posés là, au lieu-dit Cheyne, qui a donné son nom à la maison d’édition.

A. G. ‒ Avaient-ils pour ambition de vivre de leur projet ?

E. P. ‒ Oui, absolument, c’était leur objectif. Ils ont d’abord fondé l’imprimerie, en 1978. Pendant deux ans, c’était juste une imprimerie, puis ils ont décidé de se lancer dans l’édition de livres de poésie, en 1980. La première année, ils en sorti trois.

A. G. ‒ Quels sont ces trois premiers titres qui sont parus chez Cheyne ?

E. P. ‒ Le tout premier auteur publié s’appelait André Brun, mais le livre est aujourd’hui épuisé. Je vous avoue ne pas me souvenir des deux autres. À ma décharge, je n’étais pas née en 1980 ! (Rires.). Au début de l’aventure, ils ont un peu galéré, bien entendu. Ils voulaient assurer la diffusion eux-mêmes et leur production était assez maigre. Jean-François Manier a essuyé de nombreux refus, quand il allait démarcher les libraires en leur expliquant qu’il avait trois livres, mais qu’il voulait faire de la vente ferme et pas des dépôts.

A. G. ‒ Y a-t-il beaucoup de librairies dans cette région ?

E. P. ‒ Elles ne sont pas légion, mais on est à une heure de Saint-Étienne, à une heure et demie de Lyon et de Valence… Et il y a une librairie dans le village.

A. G. ‒ Ont-ils pensé à installer un point de vente, justement ?

E. P. ‒ Je vous en parlerai plus tard. On a évoqué le démarrage, voici la suite. Petit à petit, la maison a pris de l’ampleur, l’activité s’est développée et ils ont pu embaucher quelques salariés, notamment pour œuvrer à l’atelier, puisque c’est la maison qui assurait l’impression. En 2017, Benoît Reiss et moi-même avons repris la maison d’édition. À titre personnel, j’y travaillais depuis 2012, après avoir fait un DUT Métiers du livre à Aix-en-Provence, que j’avais finalisé par un stage chez Cheyne. J’avais postulé dans différents endroits, dont Cheyne, que je connaissais un petit peu. J’y ai donc fait mon stage, qui s’est très bien déroulé, et je suis restée. J’ai fait un an d’apprentissage, une licence Pro Édition à Bordeaux, tout en travaillant pour Jean-François Manier, qui m’a proposé de m’embaucher comme assistante d’édition. En 2016, quand il a voulu prendre sa retraite, sa compagne avait pris du recul depuis plusieurs années déjà. Il a alors posé à l’ensemble des salariés la question de savoir si certains d’entre eux étaient susceptibles d’être intéressés pour reprendre le flambeau.

A. G. ‒ Vous étiez combien de salariés, à l’époque ?

E. P. ‒ On était cinq salariés et j’étais la seule intéressée pour reprendre. Les autres ne voulaient pas forcément partir, mais ils ne voulaient pas prendre la direction. J’ai dit à Jean-François que j’étais partante, mais j’avais 23 ans et je n’étais pas prête à le faire toute seule. Nous nous sommes mis en quête d’un collaborateur. On est allés chercher Benoît, qui a fait des études d’édition et qui est aussi auteur. Il a publié son premier livre chez Cheyne en 2004, trois autres ont suivi. Benoît est marié à une Japonaise et vivait à ce moment-là au Japon, où il exerçait comme prof de français. On l’avait croisé aux Lectures sous l’arbre, six mois avant, et on n’ignorait pas qu’il projetait de revenir en France avec sa famille et qu’il avait envie de retravailler dans l’édition. L’idée nous semblait cohérente : il avait déjà un pied dans la maison, il avait la formation idoine et avait travaillé dans d’autres maisons, certes un peu plus spécialisées, comme Delagrave.

A. G. ‒ Son âge pouvait-il justement constituer un élément rassurant ?    

E. P. ‒ Oui, incontestablement, car l’idée était de créer un duo complémentaire. Personnellement, je me sentais sans doute un peu fragile, encore un peu légère dans le fait de devoir choisir les textes, même si je n’étais pas toute seule. Il y avait une équipe, mais il fallait valider les choix. On a moins lu quand on a 20 ans que quand on en a 40. De son côté, lui voulait revenir dans l’édition mais n’avait jamais envisagé de diriger une maison. Si l’aspect littéraire ne lui faisait pas peur, la gestion l’effrayait un peu plus. Or, j’étais plutôt à l’aise avec cet aspect, on forme donc un bon duo. Jean-François a embauché Benoît pendant 6 mois pour qu’on puisse mûrir notre projet et être sûrs que le courant passait bien entre nous, sur le plan humain. On se connaissait un peu mais pas suffisamment pour se lancer sans réfléchir. On a donc mis tranquillement le projet en place, et ‒ ce qui est essentiel ‒, c’est que la transmission s’est faite en douceur. Quand j’étais en licence Pro Édition, j’avais écrit un mémoire sur la transmission des maisons indépendantes, sans savoir à l’époque que je serais concernée un jour. La succession est toujours difficile pour toutes ces maisons d’édition, qui ont été créées dans les années 80, et dont la réussite est très étroitement liée à la personnalité de son ou ses fondateurs. Il y a d’ailleurs eu assez peu de réussites en la matière, et certaines entreprises ont tout bonnement périclité. Parfois, ce sont des fondateurs un peu trop envahissants qui pourrissent la vie des repreneurs, qui ne lâchent rien, parce que c’est leur bébé et qu’ils ont du mal à passer la main. Jean-François ne voulait pas que ça se termine de cette manière. Il préparait la suite depuis des années, il y avait d’ailleurs eu une première opportunité de reprise, à l’époque où j’étais salariée, en 2013, mais ça ne s’était pas concrétisé.

A. G. ‒ Concrètement, combien coûte une reprise de ce type, sachant qu’à 23 ans, on ne possède pas forcément les fonds ?

E. P. ‒ Jean-François avait essuyé un premier échec avec une ancienne employée qui devait reprendre l’entreprise. Il a voulu s’organiser autrement pour la deuxième tentative et nous a offert des conditions de rêve. Il avait envisagé un temps de revendre Cheyne à une grosse maison, mais cette option signifiait perdre son indépendance ‒ ce qui est quand même la caractéristique principale d’une maison comme la nôtre ‒, probablement des salariés, aussi, parce qu’ils n’auraient pas conservé l’imprimerie, et il y aurait eu inévitablement un tri dans le catalogue. Ce n’était pas son souhait, même si, financièrement, il s’y serait largement retrouvé. Finalement, il nous a fait un crédit vendeur et on a juste eu à apporter la trésorerie pour constituer le fonds de roulement de départ. Pour résumer, c’est Jean-François qui joue le rôle de la banque, sur 10 ans. On n’a pas eu besoin de faire de prêt.

A. G. ‒ Vous rachetez progressivement, en somme, sans intermédiaires, donc sans frais ?

E. P. ‒ Voilà. Il nous reste 7 ans à payer. Si la boîte tourne correctement, ça ne nous coûte rien, puisqu’on rembourse avec les bénéfices de l’entreprise. Naturellement, on a intégré des clauses, au cas où ça ne marcherait pas…

A. G. ‒ Les bénéfices, justement… Est-ce qu’une petite structure comme la vôtre génère suffisamment de revenus pour maintenir les salariés en place ? Il y en a toujours cinq ?

E. P. ‒ On est actuellement deux gérants et cinq salariés. On a trois temps pleins, un trois-quarts temps, et une femme de ménage qui travaille trois heures par semaine. On arrive à payer tout ce beau monde, nous compris. On réalise un chiffre d’affaire annuel d’environ 380 000 euros. Notre activité est coupée en deux : on fait 80 % de notre chiffre en édition, vente de livres, et 20 % en impression pour l’extérieur. On peut imprimer des livres, bien sûr, mais aussi des faire-parts, des cartes de visite ou les menus d’un restaurant, par exemple. Cette activité est loin d’être négligeable, quand on sait que les marges sont plus importantes en imprimerie qu’en édition. Pour ce qui est des tarifs, on est un peu dans la fourchette haute, parce qu’on fait de l’impression en typo. Nos devis sont plus élevés que pour le numérique, mais les clients viennent aussi chez nous pour la qualité et pour le conseil. Comme on est éditeurs, on propose des services supplémentaires, comme la mise en page, la relecture, des accompagnements à l’écriture… Il nous également arrive de rédiger des textes pour des clients.

A. G. ‒ Ça permet d’avoir un socle rassurant ?

E. P. ‒ Exactement. L’année dernière, on a fait un résultat positif de 30 000 euros. C’est fragile, il faut toujours faire attention, mais ça fonctionne. Il y a eu des périodes un peu plus dures, notamment au début des années 2010. On arrive à maintenir un résultat positif.

A. G. ‒ Peut-être aussi parce que vous avez le moyen de production ?

E. P. ‒ Oui, parce qu’on fait tout en interne, effectivement. Notre poste le plus important, ce sont les salaires.

A. G. ‒ Vous économisez quand même le coût de la fabrication, qui peut être conséquent pour un éditeur…

E. P. ‒ Oui, ce qui fait qu’on arrive à en vivre tous, actuellement.

A. G. ‒ Et la fonction de libraire, dont on parlait tout à l’heure ?

E. P. ‒ En 2013, la maison d’édition a déménagé et s’est installée à Devesset, un village situé à 5 km. On a d’ailleurs passé la frontière, puisqu’on est aujourd’hui en Ardèche, alors que nos locaux se trouvaient en Haute-Loire. Dans l’ancien bâtiment, Jean-François Manier a ouvert, avec son fils, un bar à vin-librairie, qui s’appelle L’Arbre vagabondIl s’agit une d’une librairie thématique, mais on n’y trouvera pas les nouveautés. Ils ont choisi cinq thèmes, avec du livre neuf, soldé et d’occasion. C’est aussi un bar à vins, restaurant, un lieu perdu au milieu de nulle part, mais assez extraordinaire.

A. G. ‒ C’est donc sa nouvelle activité, celle à laquelle il consacre sa retraite. C’est aussi dans cet endroit pittoresque que se déroulent les Lectures sous l’arbre ?

E. P. ‒ Tout à fait. Au départ, cet événement était organisé autour de la maison d’édition et, comme le public est habitué à ce site, on n’a pas voulu délocaliser la manifestation. Il y a à boire et à lire, c’est parfait. Quelques activités sont également planifiées à l’intérieur de la maison d’édition, mais le cœur du festival se passe autour de L’Arbre vagabond.

A. G. ‒ À quelle fréquence cet événement est-il organisé ? Sur quelle durée ?

E. P. ‒ Il a lieuune fois par an et dure une semaine.

A. G. ‒ Est-il consacré exclusivement à la poésie ?

E. P. ‒ Principalement, mais pas exclusivement.

A. G. ‒ Je crois savoir que c’est la maison Zulma qui était invitée, dernièrement ?

E. P. ‒ En effet. Le festival existe depuis 1992, c’est d’ailleurs parti d’un pari un peu stupide. L’idée de départ était d’organiser une après-midi lecture sur le lieu de la maison d’édition, avec un auteur qui lit et un musicien. Au bout du compte, 200 personnes se sont déplacées, ce qui n’est pas rien dans un village qui ne compte que 2500 habitants. Comme la première édition avait été un franc succès, Jean-François a décidé de récidiver et d’étoffer la formule en proposant une semaine entière de festivités. Le principe, c’était de promouvoir les auteurs de Cheyne parus dans l’année. On s’en est un peu éloignés aujourd’hui, le concept a évolué. On accueille chaque année des auteurs poètes d’un pays différent, on organise des conférences sur le pays invité, un cycle de cinéma, et on met un éditeur à l’honneur. En 2019, c’était la Corée, Zulma, en 2020, ce sera l’Italie et les éditions de La Fosse aux Ours. On est en pleine nature, on croise beaucoup de Parisiens, d’ailleurs, très heureux de couper avec leur environnement habituel.

A. G. ‒ Ça me fait un peu penser au banquet de Verdier, je me trompe ?

E. P. ‒ Tout à fait. Il y a des lectures, des rencontres, des balades littéraires. On emmène les gens se promener, on fait des arrêts lectures, on propose des spectacles et on met en place une immense librairie de 1500 livres, divisée en quatre pôles : les titres de Cheyne, bien sûr, le fonds de l’éditeur invité, avec plus ou moins de titres selon l’importance de la maison, un fonds du pays invité, ce qui implique un gros travail de recherche biblio, et ce qu’on appelle la librairie des intervenants, avec tout ce qui est évoqué, conseillé et lu par les auteurs pendant le festival. C’est une librairie dans les prés, très singulière, et c’est un fonds que vous ne trouverez nulle part ailleurs. Cerise sur le gâteau, on vend énormément, on fait près de 40 000 euros de chiffre d’affaires sur une semaine, ce qui est considérable pour une petite structure.

A. G. ‒ Voilà qui me permet de rebondir sur le fonds de la maison d’édition. Cheyne, à ce jour, c’est combien de titres publiés et combien de titres encore disponibles ?

E. P. ‒ On recense actuellement 400 titres dans le catalogue, pour une centaine d’auteurs. On ne fait pas de pilon, c’est notre particularité. On a en stock tous les livres parus depuis la création, hormis ceux qui sont épuisés. Rien n’a jamais été détruit.

A. G. ‒ Vous avez encore les plaques, vous pouvez les retirer ?    

E. P. ‒ Pas toutes. On travaille avec le plomb, ce qui coûte assez cher. Quand on a imprimé un livre, il existe deux options : soit on pense qu’on sera amenés à le réimprimer, auquel cas on conserve le plomb, soit on considère que ça ne servira plus, on le fait alors fondre pour le réutiliser. Il arrive qu’on se plante… Et, s’il le faut, on refait le livre, c’est le jeu. Autre particularité, 60 % de nos ventes proviennent du fonds, ce qui est assez rare, me semble-t-il. On ne suit pas du tout la rentrée littéraire, on s’en fout un peu, ce n’est pas notre créneau, on essaye toujours de faire vivre notre stock, les nouveautés aussi, bien sûr. On est très contents, par exemple, de faire des lectures d’un livre d’Isabelle Pinçon, Lapetitegens, paru l’an dernier, et qu’on peut donc encore considérer comme une nouveauté, mais aussi de livres plus anciens.

A. G. ‒ Un point sur le nombre de publications que vous faites chaque année. C’est figé ou pas nécessairement ?

E. P. ‒ On édite une douzaine de nouveautés par an, c’est un choix de notre part, notamment en termes de temps. On a vraiment envie de porter chaque livre, de le défendre, de lui donner la possibilité de rencontrer les libraires, les lecteurs.

A.G. ‒ On est sur des tirages de quel ordre ?   

E. P. ‒ Les premiers tirages, chez nous, c’est 800 exemplaires, 3000 pour la collection jeunesse, parce qu’elle fonctionne très bien. On se limite à douze, quinze nouveautés par an, mais on fait aussi chaque année des réimpressions de titres qui se vendent bien. L’an dernier, entre les inédits et les rééditions, on a travaillé sur 19 livres. Matériellement, à l’atelier, on ne peut pas faire beaucoup plus, parce que les temps de fabrication sont assez importants. Si on dépassait ce seuil, on perdrait assurément en qualité.

A. G. ‒ Vous n’avez pas de problèmes de stockage ?

E. P.  ‒ On occupe un local de 650 m² ‒ c’est aussi l’avantage d’être à la campagne ‒, ce qui nous permet de tout conserver et de ne pas pilonner. Quand on a déménagé, en 2013, on a gagné en superficie et ce fut assez salvateur, parce qu’on commençait à en avoir un peu partout, dans les bureaux… (Rires)

A. G. ‒ On va enchaîner avec les collections, puis on évoquera la distribution, que vous assumez vous-mêmes. 

E. P. ‒ Chez Cheyne, y a six collections. La première, la Collection Verte, la collection historique de la maison, est consacrée à la poésie contemporaine. Des poètes comme Jean-Pierre Siméon, David Dumortier, Albane Gellé, Jean-Yves Masson, qui ont aujourd’hui une certaine renommée, ont trouvé là une première publication. Pour cette collection, on fait deux à trois nouveautés par an.

On a une collection jeunesse, Poèmes pour grandir, créée en 1985, qui est très importante pour la maison. Elle est née du constat qu’il y avait, à l’époque, assez peu de poésie destinée aux enfants. C’était soit de l’anthologie, soit de la poésie pour adultes qu’on faisait lire aux enfants. L’idée, c’était d’essayer de donner le goût de la poésie dès le plus jeune âge, de créer une collection qui fasse s’interroger les enfants, qui les ouvre sur ce genre, avec des thèmes qui ne soient pas seulement les sujets habituels, les animaux, les paysages… On édite, par exemple, des livres sur l’homosexualité, le harcèlement… bref, des thèmes un peu plus « rudes », mais sur lesquels les enfants se posent aussi des questions… Il ne faut pas les prendre pour plus bêtes qu’ils ne sont… Ce sont de vraies interrogations sur la vie et ils sont aussi concernés. Pour cette collection, que je dirige, on a aussi développé des collaborations avec de nouveaux illustrateurs, qui s’attellent à agrémenter les poèmes. On produit une ou deux nouveautés par an. C’est la collection pour laquelle on reçoit le moins de manuscrits, et ce sont souvent des choses un peu mièvres qui ne nous intéressent pas. C’est, de fait, la plus difficile à faire vivre.

A. G. ‒ Elle vous tient particulièrement à cœur, pourtant ?

E. P. ‒ Tout à fait. Étonnamment, les textes qu’on sélectionne ne nous sont pas toujours adressés par des auteurs qui souhaitent intégrer cette collection, mais on estime qu’ils cadrent bien avec le concept.

A. G. ‒ Les auteurs en question n’en sont-ils pas un peu vexés ?

E. P. ‒ Non, je ne crois pas. En tout cas, ils ne nous le disent pas. (Rires.). Certains sont surpris, tout au plus.

Nous avons aussi la Collection Grise, l’espace de découverte de la maison, qui permet de donner sa chance à un auteur inconnu. On a instauré une sorte de parrainage, c’est-à-dire que chaque livre est préfacé par un auteur plus confirmé du catalogue, à qui on demande d’accompagner ce premier livre. Cette collection est importante pour nous, parce qu’on considère qu’il y a de plus en plus d’éditeurs qui ne publient plus que des auteurs déjà « installés » et qui ne s’ouvrent pas à des jeunes talents. Ils ne prennent pas le moindre risque. En ce qui nous concerne, quand on reçoit un manuscrit d’un illustre inconnu, s’il nous plaît, on se lance.

A. G. ‒ C’est en quelque sorte votre espace « laboratoire » ?

E. P. ‒ On peut dire ça. C’est surtout une porte d’entrée pour de nouveaux auteurs, pour qui la suite sera peut-être heureuse, allez savoir.

On a la Collection Grands fonds, qui porte bien son nom, puisque les grands fonds, en typographie, sont les marges qui se trouvent sur le bord extérieur de la page. Le principe, c’était de publier des livres qui sont justement en marge des genres codifiés, qui sont, d’une certaine manière, des ovnis littéraires.

A. G. ‒ C’est de la prose, essentiellement ?

E. P. ‒ La forme diffère selon les livres : prose, aphorisme, épistolaire… On n’est pas vraiment dans la poésie, pas vraiment dans le récit non plus… Il y a toujours une voie qui tend vers la poésie, mais ce n’est pas de la poésie pure. C’est une collection un peu inclassable et, de fait, difficile à valoriser en librairie. La question est la suivante : dans quel rayon faut-il ranger ces livres ? On est confrontés à un problème de placement en magasin et on ne sait pas trop comment y remédier. Mais c’est une problématique d’éditeur…

Nous avons une autre collection, D’une voix l’autre, qui rassemble des auteurs étrangers.

A. G. ‒ Vous faites donc un peu de traduction ?

E. P. ‒ L’idée est de proposer, en français, des poètes contemporains reconnus dans leur pays et peu ‒ ou pas ‒ traduits en France, toujours en version bilingue. On ne se limite pas à des zones géographiques définies, on explore… On fait des livres d’auteurs coréens, japonais, allemands, italiens, chiliens, américains, etc. On se promène un peu partout dans le monde.

A. G. ‒ Ça sous-entend des frais d’achat de droit ?  

E. P. ‒ Des frais d’achat de droits, oui. Cela étant, il faut savoir qu’on ne commande jamais de textes. Pour les autres collections, on reçoit des manuscrits, on dit oui ou non, pour cette collection, c’est un peu différent. Il y a deux écoles : des traducteurs, qui ont déjà traduit une œuvre complète d’un auteur qu’ils aiment, nous proposent leur travail, d’autres nous soumettent des traductions de quelques poèmes et nous demandent si ça nous intéresse qu’ils en traduisent plus…

A. G. ‒ Ce sont les traducteurs eux-mêmes qui vous amènent les affaires ?

E. P. ‒ C’est ça.

A. G. ‒ Autant, pour les livres étrangers, il y a les grosses foires internationales, autant il n’existe pas de bourse au droit sur la poésie ?  

E. P. ‒ Effectivement. On a la chance d’avoir un directeur de collection, Jean-Baptiste Para ‒ accessoirement directeur de la revue Europe , qui possède un incroyable réseau de traducteurs, qui nous soumet parfois des projets, et qui est surtout de bon conseil, quant aux livres qu’il serait judicieux de publier. C’est quelqu’un qui connaît parfaitement la maison et ses caractéristiques. Nous, on ne demandera jamais à un traducteur de traduire tel ou tel poète, on les laisse venir à nous, c’est aussi un moyen d’explorer l’univers de nouveaux auteurs.

A. G. ‒ Contemporains, anciens, aussi ?

E. P. ‒ Essentiellement contemporains, mais on a fait deux entorses à la règle : on a publié une traduction d’Elýtis et on va sortir cette année un auteur russe, qui s’est suicidé à 21 ans, en 2000. Ce sont des exceptions, d’autant plus qu’on ne publie, en général, que des auteurs vivants. Mais comme c’est un très beau texte, on s’est dit que ce serait vraiment dommage de passer à côté sous prétexte que… (Rires)

Enfin, dernière collection, on publie chaque année le lauréat du Prix de la Vocation, attribué par la fondation Marcel-Bleustein-Blanchet, qui se trouve à Paris. Les auteurs concernés ont entre 18 et 30 ans et nous ont initialement envoyé un manuscrit de 50 poèmes. On est un jury composé d’éditeurs, d’auteurs, de journalistes, de libraires, et on choisit un lauréat, qui est ensuite publié chez nous. Avec cette collection et la Collection Grise, on s’ouvre à de jeunes auteurs en leur permettant d’intégrer le catalogue.

A. G. ‒ Êtes-vous fidèles à vos auteurs, en règle générale ?

E. P. ‒ La plupart du temps, oui. Mais ce n’est pas parce qu’ils ont déjà publié chez nous qu’on va systématiquement leur dire oui, ce qu’ils ont parfois du mal à entendre. On tient à la qualité des ouvrages, et on peut être amenés à expliquer à un auteur qu’il serait dommage d’avoir publié un très bon livre et d’en sortir un moyen derrière. Ce serait d’ailleurs les desservir que de manquer de franchise à leur égard.

A. G. ‒ On n’est pas non plus obligé d’en sortir un tous les ans…

E. P. ‒ Certes.On va toujours lire attentivement le manuscrit d’un auteur avec qui on a déjà travaillé, on va faire une note de lecture ‒ ce qu’on ne fait pas nécessairement pour le « tout-venant » ‒, mais on ne va pas forcément valider. Je conçois que ça puisse être difficile à encaisser, parfois, mais on est là aussi pour essayer de porter et conseiller les auteurs, et de les tirer vers le haut.

A. G. ‒ Y a-t-il, justement, un travail éditorial ?

E. P. ‒ Pas à proprement parler. On ne fait pas ce qu’on appelle, dans notre jargon éditorial, de travail de réécriture. À partir du moment où on accepte un manuscrit, on considère qu’on est prêts à le publier tel quel. On va faire des suggestions à l’auteur, qu’il accepte ou non, c’est selon. On peut l’inciter, le cas échéant, à retirer un poème, à reformuler un passage… Il le fait, il ne le fait pas, c’est lui qui décide. En revanche, on peut dire à un auteur que son manuscrit nous intéresse, mais qu’on estime qu’il n’est pas totalement abouti, auquel cas on lui donne des pistes de réécriture. On lui propose soit de retravailler ses textes et de nous les représenter plus tard ‒ sans toutefois lui garantir qu’on publiera à coup sûr ‒, soit d’aller frapper à la porte d’autres éditeurs.

A. G. ‒ C’est d’autant plus difficile, j’imagine, que la poésie, c’est très intime…

E. P. ‒ C’est pour cette raison qu’il nous arrive de dire non à des auteurs « maison ». On leur donne des pistes, ils en font bien entendu ce qu’ils veulent. Parfois, ils nous renvoient leur manuscrit quelques mois après, et on dit banco. Cela dit, on ne peut et on ne veut pas forcer les gens à modifier leur texte s’ils ne le souhaitent pas.

A. G. ‒ La ligne éditoriale a-t-elle changé depuis votre arrivée ?

E. P. ‒ Pas trop. Quand on a repris la maison, avec Benoît, on avait naturellement à cœur d’assurer une certaine continuité, sinon on n’avait qu’à créer notre propre maison. On tenait à conserver les collections et les directeurs de collections, qui ont aussi leur mot à dire sur le choix des textes. On a peut-être développé un réseau de nouveaux auteurs, tout en essayant de garder le même cap, on en discutait récemment avec Jean-François. On a parfois publié des textes que lui n’aurait pas forcément publiés, mais on reste dans l’esprit de la maison. Par ailleurs, on a envie, avec Benoît, de démarrer une nouvelle collection. Ce serait une collection thématique, autour de « La Nuit », plutôt ouverte pour ce qui est de la forme. On a informé nos auteurs de la perspective de cette nouvelle collection mais on n’a pas reçu grand-chose pour l’instant, on attend. Pour éditer une collection, il nous faut un minimum de titres, sinon ça n’a pas de sens. Autre chose, pour les 30 ans de Cheyne, Jean-François avait choisi de publier une anthologie. Pour les 40 ans, en 2020, on voulait innover, on s’est posé la question de savoir ce qu’on pouvait faire. On lance une collection « anniversaire » de six livres, format poche ‒ ce qui n’existe pas chez Cheyne ‒, des beaux objets-livres, et on a commandé six textes à six auteurs de la maison, autour d’un thème commun : « Grandir ». On publiera simultanément les six livres au mois de mai, pour marquer le quarantième anniversaire de la maison. On était un peu stressés, parce qu’on ne commande jamais de textes, c’est donc un enjeu qu’on ne connaît pas habituellement.

A. G. ‒ L’attente est un peu inversée, en l’occurrence ?

E. P. ‒ Oui, si on veut. En tout cas, on est très contents de cette initiative et on a hâte d’y être.

A. G. ‒ Combien de manuscrits recevez-vous chaque année ?

E. P.  ‒ Environ mille.

A. G. ‒ Ça doit représenter un travail de sélection colossal !

E. P. ‒ Oui et non. Certains auteurs nous envoient des manuscrits sans savoir exactement ce que nous faisons. Quelquefois, ça ne tient pas debout, donc ça va plus vite. (Rires)

A. G. ‒ Peut-on considérer que la poésie est un genre à part ?

E. P. ‒ Oui, et les gens pensent que c’est simple d’écrire de la poésie. Je crois que c’est le genre le plus pratiqué, après le journal intime. On s’imagine que c’est facile parce qu’on n’a pas besoin d’élaborer une intrigue de 400 pages, or, on s’aperçoit, en lisant certains manuscrits, que leurs auteurs ne lisent pas de poésie eux-mêmes, c’est flagrant, dans certains cas. C’est très scolaire, parfois. Comment voulez-vous savoir écrire et qu’on achète vos livres si vous ne vous nourrissez pas de ceux des autres ? On en reçoit trois ou quatre par jour, en moyenne, on regarde tout, mais on sait bien souvent, après 3, 4 pages, que ça ne le fera pas. Des manuscrits intéressants, on en recense une soixantaine dans l’année.

A. G. ‒ Il faut quand même faire un choix, trancher…

E. P. ‒ Quand un texte nous paraît intéressant, on le transmet aux directeurs de collection concernés, lesquels nous font une note, et on prend une décision définitive au cours d’une réunion. Ces réunions sont constructives, dans le sens où il y a confrontation d’idées, et il s’avère qu’on n’est pas toujours tous d’accord. Il arrive qu’on décide de publier un auteur, même si l’un d’entre nous est un peu moins convaincu, mais on se fait confiance. C’est le jeu.

A. G. ‒ À partir de combien d’exemplaires écoulés considérez-vous qu’il s’agit d’une bonne vente pour vous ?

E. P. ‒ C’est difficile à dire… Un livre qu’on réimprime, déjà, ça signifie qu’il s’est bien vendu.

A. G. ‒ Sachant que le premier tirage est de 800 exemplaires, un deuxième, c’est combien, 500, un peu moins ?

E. P. ‒ Ça dépend des titres, de la rapidité avec laquelle les 800 premiers se sont écoulés… S’il a fallu dix ans, on est un peu plus frileux. Je vais vous donner un exemple : pour le livre de Loïc Demey, Je, d’un accident ou d’amour, dans la Collection Grise, qu’on a publié en 2014, en est déjà à sa neuvième édition. Je crois qu’on en a vendu plus de 8000 exemplaires en six ans, ce qui est considérable pour de la poésie contemporaine, à plus forte raison pour un auteur inconnu. C’est clairement un best-seller !

A. G. ‒ Vous avez donc quelques locomotives, en poésie, qui vous permettent aussi de faire des tirages plus confidentiels ?

E. P. ‒ Oui, clairement. Dans le catalogue, il y a un équilibre entre des titres porteurs et d’autres qui sont plus difficiles d’accès. Pour certains titres, on sait pertinemment à l’avance que ce ne sera pas un succès commercial, mais on a quand même envie de le faire. Il y a une harmonie à trouver, en termes de coût, aussi.

A. G. ‒ Évoquons la fameuse question de la distribution et de la diffusion, puisque la maison Cheyne a fait le choix ancestral de tout assumer elle-même.

E. P.  ‒ Ça représente un coût, mais je considère que c’est surtout une force. Nous avons un salarié, Jean-Simon, dont le rôle est de démarcher les librairies. Il sillonne la France, la Suisse et la Belgique ‒ ce qui fait un bon secteur à couvrir… ‒ et va, grosso modo, à la rencontre de 350 libraires chaque année. L’avantage de cette formule, quand on sort une douzaine de nouveautés par an, c’est que le libraire a du temps pour chaque livre et, par voie de conséquence, il a déjà plus envie de les prendre. Il faut savoir qu’un libraire reçoit énormément de visites de représentants, et qu’on lui présente parfois 15 catalogues et 350 livres en une demi-heure… Évidemment, ce fonctionnement a un coût, c’est un salaire à temps plein, une voiture, des frais de déplacement, d’hôtel, de restaurant, mais le jeu en vaut la chandelle. Il y a aussi une relation de proximité avec la maison d’édition, ce qui n’est forcément le cas avec les grosses structures. Le commerçant connaît son interlocuteur et réciproquement, c’est précieux. Jean-Simon a, par exemple, mis en place une sorte de petit memento personnalisé qu’il envoie aux libraires, dans lequel il fait une petite présentation de chaque livre qu’ils ont commandé. On a eu des retours très positifs sur cette initiative, parce que ça leur permet d’avoir en tête des repères précis, au moment de la mise en rayons, notamment.

A. G. ‒ C’est toujours du ferme ?

E. P. ‒ Oui, mais ce n’est pas toujours évident à mettre en place. Libraire partenaire, ça signifie que le libraire accepte d’avoir un fonds dans sa librairie d’au moins 15 ou 20 titres, en échange de quoi on lui propose de meilleures conditions : remises, franco, échéanciers, visites du représentant, etc. Mais ça reste de la vente ferme. C’est parfois difficile à instaurer pour eux ‒ ce que je peux comprendre ‒ parce que c’est de la trésorerie et, la plupart du temps, les petits éditeurs de poésie font des dépôts. Aujourd’hui, arriver en librairie et dire qu’on veut faire de la vente ferme, c’est une gageure. On a la chance que Jean-François Manier ait imposé ce système depuis plusieurs décennies. Aujourd’hui, il est acquis pour les libraires qu’avec Cheyne, ça se passe ainsi. Par ailleurs, on n’accepte pas les retours. Si le commerçant a dans son fonds des titres qu’il a du mal à vendre depuis plusieurs années, on privilégiera un échange. On lui reprendra les livres en question mais, en contrepartie, on lui donnera d’autres titres du fonds, qui ne seront pas des nouveautés. Des dépôts, il nous arrive d’en faire exceptionnellement, pour des événements particuliers, comme des rencontres avec les auteurs.

A. G. ‒ Ce fonctionnement ne concerne que les libraires partenaires. Et avec les autres, comment procédez-vous ?

E. P. ‒ Certains libraires n’ont pas envie d’avoir un fonds, ils vont nous prendre trois ou quatre livres, mais ce sera de la vente ferme. En fonction de la fréquence de leurs commandes, on voit ce qu’on peut leur proposer. On fait sans cesse de la prospection, on surveille l’implantation de nouvelles enseignes, les villes où on n’a pas beaucoup de libraires partenaires, on voit dans quelles mesures on peut développer un partenariat, etc.

A. G. ‒ C’est un travail de fourmi !

E. P. ‒ Oui ! On a bien conscience que ce n’est jamais évident de faire vivre un fonds de poésie, alors on essaye de les accompagner en organisant des rencontres, des lectures, des présentations…

A. G. ‒ On en vient à la question de la communication. Le fichier numérique, je suppose qu’on oublie tout de suite ?

E. P. ‒ Oui, ce n’est définitivement pas notre créneau. Nous, on imprime au plomb, comme Gutenberg. Le numérique, ça nous passe un peu au-dessus de la tête. Notre idée du métier ‒ c’était la volonté de Jean-François Manier, dès le début ‒ c’est l’impression au plomb, le choix du papier, l’envie d’éditer de beaux objets-livres, et on considère que cette technique sied particulièrement à la poésie.

A. G. ‒ Le fond et la forme, en quelque sorte. Le respect de la poésie, aussi, à l’inverse des produits de grande consommation ?

E. P. ‒ Voilà. Dans l’esprit des gens, Cheyne, ce sont aussi de jolis livres, qu’on garde. Je ne pense donc pas que les deux méthodes entrent réellement en concurrence. Ça n’aurait aucun sens, objectivement, que Cheyne se mette à faire du numérique. Certains le font et je trouve ça très bien, mais ce n’est pas notre philosophie. Ce qui ne nous empêche pas d’essayer de nous moderniser un peu, contrairement à Jean-François, qui n’a jamais allumé un ordinateur de sa vie. (Rires)

A. G. ‒ J’allais y venir. Quid de la communication à travers les outils numériques, justement ?

E. P. ‒ On essaye de s’y mettre, même si on n’est pas encore à la pointe ! On a, par exemple, une page Facebook, mais, bien évidemment, ça ne suffit pas, il faut la faire vivre. Cela dit, on a conscience ‒ on s’en rend compte lors des Lectures sous l’arbre ‒ d’avoir une clientèle assez âgée. Ce n’est pas facile de rajeunir son public, c’est la raison pour laquelle on fait en sorte de mettre en avant des auteurs en devenir, ce qui permet aussi de séduire un lectorat plus jeune. De plus en plus, on organise des interventions à destination des scolaires, on pousse nos auteurs à intervenir dans les collèges, comme Tania Tchénio, qui a récemment publié Regards fauves, un livre sur le harcèlement, dans la Collection Poèmes pour grandir. On fait l’effort de sensibiliser les plus jeunes, en leur expliquant que la poésie est destinée à tout le monde, que ce n’est pas seulement ce qu’on leur a fait réciter à l’école. On reçoit des classes à l’atelier pour des visites, on leur explique le processus de fabrication d’un livre, on leur présente le métier d’éditeur. Il faut en passer par ce genre d’initiatives si on veut conquérir un public jeune.

A. G. ‒ Justement, votre jeune âge doit surprendre vos interlocuteurs, je présume ? C’est un argument, aussi ?

E. P. ‒ Oui, je suis la preuve vivante que la poésie peut être portée par la jeunesse ! (Rires)

A. G. ‒ Merci Elsa Pallot, je vous laisse le soin de conclure.

E. P. ‒ Je crois que ce qui fait la particularité et la singularité d’une maison comme Cheyne, c’est vraiment l’indépendance de A à Z : financière, intellectuelle… Nous assurons la fabrication, la distribution, la diffusion, il me semble que c’est assez rare, de nos jours.

A. G. ‒ Pour finir, quel est l’accueil réservé à la poésie, d’une manière générale ?

E. P. ‒ Je crois que chacun peut y trouver un message. Contrairement aux romans, dans la poésie, on peut picorer, lire deux, trois pages, y revenir, on n’est pas obligés de se lancer dans des heures de lecture. Il faut casser les clichés selon lesquels la poésie serait élitiste, barbante, etc. Il y a un public déjà conquis et un public à conquérir, qu’il faut peut-être secouer un peu. Et je crois que c’est important de commencer par des textes accessibles, sous peine de partir en courant.


  • Intervieweur(s) : Amandine Glevarec
  • Date de l'entrevue : février 2020
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